Où sont passés les fondamentaux de la pédagogie ?

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Où sont passésfondamentaux de la pédagogie ?

 

À force de vouloir réinventer la formation, il arrive qu’on oublie ce qui fait qu’elle fonctionne vraiment.

À force d’innovation, de plateformes immersives, de formats agiles, d’expériences “utilisateurs” toujours plus fluides, on s’éloigne parfois de l’essentiel.

Oui, moderniser est nécessaire.

Oui, rendre l’apprentissage plus accessible, plus attractif, plus modulable, est un progrès.

Et oui, chercher à le rendre scalable peut répondre à de vrais enjeux : budget, temps, logistique.

Mais à force de vouloir modéliser, dupliquer, optimiser, on finit parfois par faire disparaître ce qui donne à une formation sa force : le lien humain, l’intention pédagogique, la capacité d’adaptation.

On parle d’UX, de LMS, de gamification, mais plus assez d’expérience apprenante. On perfectionne les parcours… mais pour apprendre quoi, exactement ? Et comment ?

La formation est devenue un produit à “livrer”. Un lien à “suivre”. Une séquence à “consommer”. Mais former, c'est provoquer un mouvement. Une transformation. Une prise de conscience.

Et c’est cette mission-là qu’il me semble urgent de remettre au centre. Celle d’une pédagogie qui s’adapte, qui relie, qui engage. Celle qui donne envie d’apprendre pour de vrai.

 

🚀 Apprendre, ce n’est pas consommer. C’est transformer.

 

La littérature scientifique est sans appel. Selon les travaux de Stanislas Dehaene, l’apprentissage repose sur trois piliers : l’attention, l’engagement actif, et la consolidation.

Autrement dit : pour apprendre, il faut capter l’attention, faire manipuler l’information de manière active, puis créer les conditions pour que cela s’ancre. Et tout ça ne se fait pas en regardant passivement une vidéo, ni en validant un quiz automatique, aussi bien conçu soit-il.

Mais il y a un autre principe fondamental que l’on oublie trop souvent : une bonne formation s’adapte. Elle tient compte des profils, des niveaux de départ, des rythmes, des émotions, des hésitations. Elle évolue avec ce qui se passe dans la salle, dans les regards, dans les silences. C’est la base même de toute pédagogie vivante : partir de là où en sont les apprenants, et avancer avec eux.

À ce titre, certaines modalités — notamment le e-learning — atteignent rapidement leurs limites. Aussi bien pensées soient-elles, elles restent des dispositifs fixes, programmés pour délivrer un contenu dans un ordre donné, sans réelle interaction avec ce que vit l’apprenant. Elles ne perçoivent pas la perte d’attention, ne reformulent pas une notion mal comprise, ne réagissent pas à une émotion ou à une question inattendue.

La promesse de l’autonomie est séduisante, mais elle ne remplace pas la présence d’un formateur capable d’ajuster, de traduire, de relancer.

 

💭 Une formation qui ne répond pas aux doutes n’est pas une formation

 

C’est un principe fondamental : une formation doit faire progresser, clarifier, sécuriser. Elle doit permettre à chacun de sortir avec plus de réponses qu’en y entrant.

Or, que voit-on de plus en plus ? Des modules suivis seuls, sans médiation humaine. Des contenus “efficaces” sur le papier… mais qui laissent les participants dans le flou. Des apprenants qui valident, cliquent, certifient… sans transformation réelle.

Une bonne formation, ce n’est pas celle qui est “belle”. C’est celle qui permet à quelqu’un d’oser, de comprendre, d’agir différemment.

Et cela, aucun contenu figé ne peut l’offrir à lui seul. Ce qui fait la richesse d’une vraie formation, c’est le cadre, l’interaction, l’intelligence du moment.

 

🤝 ​ Le digital n’est pas le problème. C’est ce qu’on en fait.

 

Je le répète : je ne suis pas contre le digital. Je le conçois et je l’utilise parfois. Mais je refuse qu’il soit érigé en solution universelle. Un outil n’est jamais neutre. Il porte en lui une intention. Une logique. Une limite.

Le digital, dans sa forme la plus pure, ne s’adapte pas. Il diffuse. Il séquence. Il simplifie.

Il peut enrichir un parcours. Il peut accompagner une progression. Il peut ouvrir un champ. Mais il ne peut pas, seul, garantir un apprentissage.

 

🔥​Stop au bling-bling pédagogique : séduire n’est pas former

 

On voit émerger des modules de formation dignes de spots publicitaires. Des parcours aux effets visuels soignés, aux mécaniques ludiques bien huilées. Ils séduisent, captent l’attention, cochent toutes les cases… sauf celle de la transformation réelle.

Tout est pensé pour l’expérience utilisateur. Mais qui pense vraiment à l’expérience apprenante ? Pas l’interface, non. Le ressenti. Le doute levé. La compréhension. L’envie d’essayer. Le moment où l’on se sent plus légitime, plus capable.

Une formation réussie, ce n’est pas celle qu’on termine. C’est celle qui laisse une trace durable.

Le vrai luxe, ce n’est pas une interface dernier cri. C’est le formateur qui écoute. C’est le temps laissé au silence. C’est l’espace pour pratiquer, douter, ajuster.

La vraie innovation, ce n’est pas d’aller plus vite. C’est de créer des conditions pour que l’apprentissage soit authentique, sensible, vivant.

 

🤝​ Ce qui fait la différence : l’autre. Toujours.

 

Dans chaque formation que j’anime, les moments les plus forts ne sont jamais ceux où je “transmets”. Ce sont ceux où les participants échangent. Se reconnaissent. Se questionnent ensemble. Ce sont ces espaces de pairagogie, de co-apprentissage, où l’on apprend par et avec l’autre.

Apprendre, ce n’est pas seulement intégrer des savoirs. C’est donner du sens, s’approprier, confronter, ajuster. Et cela nécessite du lien, du vivant, de l’humain.

C’est pour cela que je crois profondément à la pédagogie du groupe. Aux temps d’échange. Aux erreurs partagées. Aux prises de conscience collectives.

Parce que dans nos métiers — ceux de l’accueil, du soin, de l’expérience client — on apprend surtout en observant, en faisant, en réajustant. Et jamais seul.

 

💭 En conclusion : remettre la pédagogie au cœur

 

Ce que je ressens aujourd’hui, ce n’est pas un rejet du progrès. C’est un besoin urgent de faire le tri entre ce qui est pédagogique, et ce qui est seulement technologique. Entre ce qui transforme, et ce qui distrait. Entre ce qui accompagne, et ce qui défile.

La multimodalité, souvent galvaudée, n’est pas un gadget. Ce n’est pas un mot à la mode. C’est un choix exigeant : celui de croiser les formats, les rythmes, les points de contact pour mieux respecter la diversité des apprenants et des situations d’apprentissage. Le digital y a toute sa place. Mais jamais seul. Jamais en pilote automatique.

C’est cette conviction que nous portons avec Insaho. Créer des formations ancrées, vivantes, parfois courtes, parfois longues, parfois en ligne, parfois autour d’une table. Mais toujours pensées avec une intention claire, avec un objectif pédagogique fort, avec le souci du lien. Des formats hybrides, oui, mais jamais hybrides de sens.

Parce que ce qui compte, au fond, ce n’est pas la modalité choisie. C’est ce que l’apprenant en fait. Ce qu’il en retient. Ce que ça change pour lui.

 

Clarisse Labat

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